La Cité des Fleurs porte bien son nom ! Charmante allée piétonne située tout au nord du 17° arrondissement, dans le quartier des Epinettes, elle permet de relier l’avenue de Clichy à la rue de la Jonquière, et fait le bonheur des riverains qui n’hésitent pas à faire un détour matin et soir par cette allée en allant travailler ou en rentrant chez eux…
Sur ses 320 mètres de long, elle offre aux promeneurs une multitude de jolies villas mises en valeur par des jardins bien arrangés. Fermée à la circulation publique, agrémentée de façades très variées et d’une atmosphère paisible, la Cité des Fleurs génère une ambiance de village convivial au sein même de Paris.
Sa création
En 1846, Ernest Gouïn fonde sa propre entreprise, baptisée de manière éponyme « Ernest Gouin et Cie », dans le petit village des Batignolles, au nord de Paris. Il se spécialise dans la construction de locomotives et de machines de filature. Sa société ne cesse de s’accroître et atteint rapidement 2000 personnes.
Face à cette société grandissante et promettant un avenir serein au village, deux investisseurs, Jean-Edmé Lhenry et Adolphe Bacqueville de la Vasserie, décident d’acheter au lieu-dit « Le chiendent », à proximité du village, deux hectares de terrains à lotir. Ce lieu-dit était situé entre l’actuelle rue de la Jonquière et l’avenue de Clichy. A cette époque, ce quartier était encore en dehors de l’enceinte de Thiers, donc à l’abri de l’activité industrielle générée aux alentours de l’enceinte.
Le notaire Auguste Balagny, également maire de la commune de Batignolles-Monceau, accompagne la transaction immobilière. Les deux acquéreurs fixent alors entre eux des règles d’architecture indérogeables aux futurs autres propriétaires – cf paragraphe sur les conventions – et baptisent en 1847 leur lotissement « Villa des Fleurs », puis en 1850 « Cité des Fleurs ». Face à une appellation si attirante, le chiendent est bien entendu vite oublié.
Entretemps, la gare de marchandises, l’usine à gaz dans l’avenue de Clichy et l’usine de Gouin située en face ont encore évolué et rendu le quartier bruyant et mouvementé. La Cité des Fleurs, malgré son charmant nom, n’attire que peu de résidents.
Cependant, 16 ans plus tard, tous les terrains avaient trouvé acquéreur. Et 3 ans après, le peintre Sisley illustre le paysage qu’offrait la Cité des Fleurs. Son tableau « Montmartre depuis la Cité des Fleurs » montre à quel point le paysage semblait encore désert…
Les conventions
Pour conserver l’authenticité si appréciée de ce village, Lhenry et Bacqueville de la Vasserie instaurent rapidement deux conventions.
La première, décidée en 1847, constitue la création du lotissement de la Villa des Fleurs ; le terrain acheté par les deux acquéreurs avait été divisé en cinq bandes parallèles. Le projet initial concevait de petites maisons mitoyennes de deux étages, agrémentées d’un petit jardin de ville encadrant une allée centrale jalonnée par trois placettes circulaires.
La seconde, en 1850, présente et détaille les règles d’urbanisme et d’architecture de la Villa, rebaptisée à la même période Cité des Fleurs. Deux étages et mansarde maximum, des façades alignées, grilles et murets de même hauteur, utilisation des espaces privatifs et collectifs, portails surmontés d’un vase Médicis créé d’après un modèle unique…
Cependant, tous les terrains ayant été achetés par des gens de milieux très différents, la Cité des Fleurs présente une diversité de styles des maisons : architectures complexes et villas élaborées côtoient des pavillons plus modestes. Mais toutes ont la particularité d’être fleuries et agréables à regarder, rendant un effet harmonieux malgré cette diversité.
Servant initialement de document majeur des statuts de l’association loi de 1901, réunissant les propriétaires de 1907 à 2010, ces conventions servent toujours de référence aux nouveaux statuts évoqués par l’Association Syndicale Libre de la Cité des Fleurs qui entrent en vigueur le 1er janvier 2011. Comme les conventions, ces statuts définissent des règles d’architecture et d’urbanisme identiques, et contiennent également les droits et devoirs en vigueur pour les habitants mais aussi le public.
Son développement
Nous l’avions évoqué ci-dessus ; au sujet de la diversité des styles de maisons de la Cité des Fleurs. Ceci est la preuve de la mixité sociale remarquée dans cette voie. Aujourd’hui encore, toute catégorie sociale est représentée par les habitants de la Cité des Fleurs. Mais ces différences sont bien loin de générer d’éventuels conflits, bien au contraire.
L’exemple même de cette diversité prend sa source dès le XIX° siècle, à l’ère industrielle ; l’activité ferroviaire des usines du quartier Cardinet engendre l’arrivée de plusieurs ingénieurs, qui décident de faire construire leurs habitations aisées dans la Cité des Fleurs. Puis le personnel de l’usine de Gouin est installé dans un grand pavillon. Leur arrivée déclenche une série de constructions d’infrastructures communes aux habitants de la Cité ; une crèche de la Compagnie des Chemins de fer de l’Ouest, suivie, en 1857, de la fondation du syndicat des propriétaires, regroupant systématiquement tout nouvel acquéreur. Ainsi, chaque propriétaire acquiert également des droits et devoirs sur la Cité.
Puis petit à petit, diverses décisions sont prises communément ; recrutement d’un gardien, mise en place d’un règlement définissant les droits et devoirs des propriétaires, politique d’éclairage, de pavage, obligation pour chaque propriétaire de participer aux dépenses communes, raccord de la Cité des Fleurs au réseau des égouts de Paris et, plus tardivement, mise en place du réseau d’assainissement.
En 1909 commencent les travaux de construction de l’église Saint Joseph des Epinettes, au n°59 de la Cité des Fleurs. Un presbytère, des locaux paroissiaux et une congrégation religieuse sont alors créés. L’église est achevée en un peu plus d’un an et sera alors dotée d’un orgue de la marque Cavaillé-Coll, célèbre fabrique d’orgues prestigieux. A Paris, les plus grandes églises, notamment La Madeleine, Saint Sulpice, Saint Denis, le Panthéon et la cathédrale Notre Dame en sont également dotées. A ce propos, l’orgue de l’église Saint Sulpice est constitué de 100 jeux, c’est alors le plus grand orgue de France !
Autre fierté de la Cité des Fleurs, en 1942, l’actrice Françoise Dorléac nait dans la clinique de la Cité des Fleurs, et un an plus tard, sa soeur Catherine Deneuve nait au même endroit.
Une anecdote dramatique lors de la Résistance…
Durant la seconde guerre mondiale, le n° 25 de la Cité des Fleurs abritait le Centre de fabrication de faux papiers de la Résistance. Ce réseau clandestin était nommé « Plutus » et leurs membres créaient et transmettaient de faux papiers pour le Mouvement de Libération Nationale situé à Lyon.
En mai 1944, moins d’un mois avant le débarquement en Normandie, la Gestapo découvre ce réseau, envahit le pavillon du n°25 et déporte immédiatement les membres, excepté la responsable, Colette Heilbronner, exécutée sur place. Les autres membres moururent dans les camps. Une plaque commémorative située sur la grille du n°25 liste les membres du réseau.
Le foyer des jeunes travailleurs
Après la Libération, un phénomène social se remarque en France et particulièrement en Aveyron. En effet, de nombreux jeunes habitants se dirigent vers la capitale. Statistiquement, en 1950, deux jeunes Aveyronnais par jour quittent leur territoire, sans aucune attache, et arrivent à Paris, dans la même situation instable. Ils commencent alors à se regrouper dans des cafés et, l’esprit d’équipe jouant son rôle, trouvent presque tous un travail. Ils décident donc de rester groupés afin de continuer à se soutenir dans cet exode et achètent communément une maison au n°30 de la Cité des Fleurs. Avec l’arrivée de jeunes provenant de deux autres régions, la maison devient en 1957 le « Foyer des Jeunes Aveyronnais, Cantaliens, Lozériens de Paris ». Puis en 1963, ce foyer est renommé « Foyer de Jeunes Travailleurs de la Cité des Fleurs ». Depuis sa création, le foyer a hébergé environ 5000 jeunes travailleurs.
Le centenaire de la Cité des fleurs
Le président de la Commission administrative du syndicat des propriétaires, Jean Thoretton, organise depuis plusieurs mois la fête consacrée aux 100 ans de l’association des propriétaires. Durant 3 jours, divers artistes, habitant ou ayant habité dans la Cité des Fleurs, se produiront devant les propriétaires. Il s’agit d’une traditionnelle fête familiale entre voisins unis, qui se déroule chaque année et est peut-être même à l’origine de la fête des voisins. Mais cette année, les 22, 23 et 24 juin, la célébration sera plus longue, plus festive et plus animée. Le centenaire d’un syndicat ayant accompli tellement de choses communément doit être fêté de manière appropriée !
La cité des fleurs aujourd’hui
La Cité des Fleurs compte désormais 62 propriétaires répartis en 32 propriétés individuelles et 20 copropriétés gérées par des syndics professionnels ou par des bénévoles. Le système de droits et devoirs de chaque propriétaire, décidé par les conventions, mène les habitants à s’impliquer réellement dans l’entretien et l’amélioration de la voie et ce, bénévolement. Mais les efforts fournis sont largement récompensés ; la Cité des Fleurs est aujourd’hui une voie paisible, chargée de détails fleuris et discrets, et belle à chaque saison de l’année.
L’accès du public y est possible de 7 h 00 à 19 h 00 du lundi au samedi et de 7 h 00 à 13 h 00 les dimanches et jours fériés.